La fierté, au sens du « pride » anglais, c’est cet acte subversif par lequel les exclus transforment la honte dont la société les affuble en dignité, et reprennent la maîtrise de leur destin.
Nous les gueux, les déclassés, les obscurs, à qui le système interdit tout succès trop éclatant pouvant faire ombrage à ses «protégés» d’avance reconnus et placés, nous devrions brandir, à l’instar des minorités courageuses qui manifestent leur pride, «la fierté des gueux». Parce que nous pouvons nous sentir fiers d’avancer, envers et contre tous les obstacles matériels et symboliques contre nous dressés. Fiers de réussir à exister par nous-mêmes, à porter seuls nos rêves et nos projets, sans jamais bénéficier d’aucune des facilités offertes aux biens nés des classes régnantes friquées : « Qu’avez-vous fait pour tant de biens? leur demande Figaro, l’une des plus emblématiques et flamboyantes figures du gueux. Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Tandis que moi (…) il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ». Oui, nous pouvons nous prévaloir d’une juste fierté pour ce que nous entreprenons, armés seulement de notre foi, de nos talents, de notre débrouillardise, et des trésors d’énergie qu’il faut déployer pour se tailler un chemin à soi quand tous sont déjà pris.
Gueux de la subsistance au quotidien, gueux de la bricole et de l’invention, gueux de la plume, de la musique, de la danse, du spectacle, gueux dans tous les domaines de la création, du travail et de la vie… marginaux par nécessité – puis comme seul choix possible pour les insoumis, mais unis par la même fierté d’appartenir à cette marge.C’est-à-dire, de n’appartenir à rien ni à personne.
©Martine PLAUCHEUR@Août 2016 pour le texte
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©David ZAW pour le logotype
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